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Lip : Histoire de la manufacture de montres de Besançon

- Catégories : Culture

C'est une marque française que nous connaissons tous, chargée d'histoire et qui renaît de ses cendres depuis quelques années après une période difficile et surprenante. Autrefois fleuron de l'horlogerie française, Lip devient de nouveau une marque de référence, en France comme à l'étranger. Lumière sur les péripéties qui ont fait de cette manufacture née à la fin du XIXème siècle l'une des références des montres françaises. 

Les premiers pas de Fred Lipmann

C'est en 1867 qu'Emmanuel Lipmann, un jeune homme originaire d'un famille juive d'horlogers alsaciens, fonde le Comptoir Lipmann à Besançon. Du haut de ses 23 ans, il dessine les prémices de la manufacture horlogère en démarrant son atelier d'horlogerie. Cette boutique et atelier de réparation comptait 15 salariés et se situait au 14 Grande Rue en plein centre de la future capitale de l'horlogerie en France. L'atelier se développe rapidement grâce à la vision de son fondateur puis les enfants issus du mariage d'Emmanuel Lipmann avec Caroline Geismar participeront également à l'essort de l'entreprise familiale : Ernest, Camille et Jenny.

Presque 40 ans plus tard, le fils d'Ernest Lipmann, Frédéric Samuel Lipman voit le jour. Nous sommes en 1905 et la marque Lip est déposée 3 ans plus tard, en 1908, donnant naissance aux premières montres arborant le logo de la marque. En 1910, Lip dévoile une campagne publicitaire afin de faire connaître son réseau de distribution, une véritable révolution dans le secteur de l'horlogerie. Après un parcours scolaire chaotique, Ernest place Fred Lipmann à l'école d'Horlogerie de Besançon. Il fait son service militaire peu de temps après puis part aux États-Unis où il visite des manufactures horlogères ainsi que les chaînes de montage d'Harley Davidson et d'Indian Motorcyle. Un voyage qui aura une grande influence sur ses idées et sa carrière. C'est en 1931 qu'il rejoint l'entreprise familiale, prenant la direction de la société puis bousculant les traditions. Grâce à son génie, il fait de Lip S.a. le premier horloger français. En 1954, l'entreprise compte près de 1500 salariés et produit plus de 300 000 montres par an.

Des montres de renom synonymes d'innovation

Ce fut la première grande innovation de l'entreprise. À la demande d'Ernest Lipmann, les célèbres physiciens-chimistes Pierre et Marie Curie effectuent des recherches pour trouver une matière pouvant être utilisée sur les cadrans de montres afin de lire l'heure dans les environnements sombres. Ayant découvert le radium en 1898, cela leur permet de développer les premiers cadrans phosphorescents, une première mondiale signée Lip.

En 1935, la manufacture Lip conçoit une série de montres de bord dédiées à l'aéronautique, la Type 10. Cette montre équipera notamment la Croix du Sud, un avion conçu par Latécoère qui sera piloté par Jean Mermoz, une figure légendaire de l'aviation française. Celui-ci oeuvra dans l'ouverture de nombreuses liaisons, notamment en Amérique du Sud puis à travers l'Atlantique Sud, prouvant qu'une traversée d'un seul courrier est alors possible. Il disparaît en mer le 7 décembre 1936 avec son équipage à bord de la Croix du Sud. Une réédition de la type 10 fut produite en 2001 en hommage à Jean Mermoz.

Produite entre 1935 et la fin des années 1950, la T18 fut pensée dans un esprit Art Déco. C'est probablement la montre la plus connue produite par la manufacture française, et fut la première à arborer une seconde excentrée. En remerciement pour les services rendus par la Grande Bretagne à la France durant la Seconde Guerre Mondiale, un modèle en or de la T18 fut offert à Winston Churchill en 1948, quelques années avant d'occuper de nouveau ses fonctions de Premier Ministre. C'est ainsi que la collection prit son nom.

En 1952, sous l'impulsion et l'ambition de Fred Lip, le département de recherche et développement de la marque développe un nouveau mouvement, non pas mécanique mais électromécanique. Pour ce faire, Lip aura résolu plusieurs problèmes majeurs : miniaturiser les piles de l'époque qui étaient trop larges, ainsi que développer un calibre permettant une tension de ressort suffisante malgré un faible voltage. Le mouvement en question comprend un balancier spiral classique mais avec une oscillation entretenue de manière électromagnétique. Nait alors la première montre électrique au monde qui sera baptisée "Electronic" puis commercialisée dès décembre 1958. Un modèle fut offert en avant-première au Général de Gaulle, qui lui donnera son nom, ainsi qu'au général Eisenhower, obtenant ainsi le surnom de "montre des présidents".

Afin de céléber le centenaire de l'entreprise familiale en 1967, la manufacture Lip dévoile une montre d'un nouveau genre : la Nautic-Ski. Munie d'une lunette directionnelle interne, soit placée sous le verre et évitant tout déplacement accidentel, cette montre de plongée est la première montre française étanche à 200 mètres. Un garde-temps audacieux qui s'annoncait déjà mythique pour l'époque. Elle doit son étrange nom à la fille de Fred Lip qui était membre de l'équipe de France de ski alpin dans les années 1950, ajoutant ainsi la désignation "ski" qui prend tout son sens en tant que montre faite pour les environnements marins mais aussi alpins. C'est donc tout logiquement en 1968 lors des Jeux Olympiques de Grenoble qu'elle fut véritablement lancée. Un modèle fut réédité en 2014 puis abandonné à cause de complications techniques...jusqu'à cette année qui annonce de nouveau son lancement avec une construction robuste et fiable.

Avec la montée des objets design et la volontée de Fred Lip de toujours être avant-gardiste, la marque se lance dans une nouvelle aventure marquée par une collaboration avec François Baschmakoff, un designer freelance de renom n'ayant jamais touché à la montre afin d'obtenir une vision novatrice. Cette collaboration aboutit à une montre mécanique à lecture digitale portant le nom du designer. L'aventure se poursuit ensuite avec une succession de 7 designers venus d'horizons différents sous l'implusion de Claude Neuschwander, nouveau Directeur Général de Lip depuis le décès de Fred Lip en 1973. Des designers considérés comme les meilleurs dans le milieu : Roger Tallon, Rudolg Meyer, Marc Held, Michel Boyer, Isabelle Hebey, Michel Kinn et Jean Dinh Van. En résultent des montres créatives hors normes, lumineuses et avant-gardistes. 

De l'affaire Lip au rachat de la manufacture 

À la fin des années 1970, la situation financière de Lip se dégrade. D'une part à cause du montage financier issu de la cession de 33% des parts de Fred Lip à Ébauches S.A., filiale du groupement horloger ASUAG, qui s'étenda à 40% en 1970, aboutissant au remplacement de Fred Lip par Jacques-Saint Esprit en 1971. La manufacture horlogère française se lance deux ans plus tard dans la fabrication de montre à quartz mais la concurrence japonaise et américaine est déjà trop forte. Lip dépose le bilan en 1973 et devient le théâtre d'une grande grève. Commence alors la célèbre "affaire Lip". C'est alors qu'intervient Claude Neuschwander, numéro 2 du groupe Publicis, qui tente de relancer l'entreprise mais en vain, démissionnant en février 1976. L'usine alors de nouveau occupée par les grévistes ne trouve pas de repreneur. Lip est liquidée l'année suivante. En 1984, la société Kiplé rachète la société mais est elle aussi liquidée en 1990.

Renaissance et retour à Besançon 

Jean-Claude Sensemat, un industriel français du Gers, rachète alors la marque et adopte une approche marketing moderne pour l'époque grâce à la vente de montres via la grande presse nationale, les réseaux de grande distribution ainsi que la vente à distance. Véritable sauveur de la marque, il réussit à reancer Lip même si celle-ci perd de son prestige. Deux ans plus tard, Sensemat signe un contrat de licence avec Jean-Luc Bernerd qui fonde la Manufacture Générale Horlogère (MGH) et confie la production à Fizz Watches à Hong Kong. Écoulant alors plus d'un million de montres par année, les bureaux français ne comptent plus que 50 employés dans les années 2000.

2014 marque un véritable tournant dans l'histoire de la célèbre manufacture française. Philipe Berard, président de la Société des Montres Bisontines (SMB), signe un accord avec Jean-Claude Sensemat pour assembler et commercialiser les montres Lip de nouveau depuis Besançon. Présentées au Baselworld en 2015, les nouvelles collections sont inspirées de l'héritage de la marque avec des montres ayant marqué l'histoire : la Churchill, la Général de Gaulle, la Maurice herzog ainsi que les montres design créées par Roger Tallon et De Bashmakoff. L'année suivante, en 2016, Sensemat cède la marque à Bernerd qui reprend officiellement les rênes de l'entreprise et se donne pour mission de redonner ses lettres de noblesse à Lip. Chose que vous pourrez constater par vous-même en découvrant les nouvelles montres Lip sur notre site.